En ce lundi matin, Andrew a eu la gentillesse de m’accorder du temps dans son emploi du temps déjà bien chargé.
Andrew est la personne que j’ai interviewée pour le comté de Down, en Irlande du Nord. Ce portrait fait partie de mon projet d’interviews « Tour d’Irlande en 32 comtés, 32 Irlandais ».
Pendant près d’une heure, j’ai adoré l’écouter me parler de son parcours et de son expérience ! Encore un Irlandais à la vie passionnante ! Et pour ceux que le changement de vie et virage professionnel à 90 degrés intéressent, il en est un superbe exemple. 😊
Ici, il nous parle de sa région natale qu’il aime tant bien sûr, mais aussi, et c’est plus surprenant, du Parc National des Ecrins dans les Alpes françaises, où il vit une partie de l’année ! D’ailleurs, il parle parfaitement bien Français, même s’il a préféré qu’on discute en Anglais.
– Ça fait 8 ou 9 mois que je ne suis pas allé en France et que je n’ai pas parlé français, alors je suis un petit peu lent.
En réalité, il basculera lui-même en Français, à plusieurs reprises dans notre conversation, naturellement. 😉
Aujourd’hui, Andrew vit dans le comté de Down (Irlande du Nord), à 500 mètres de là où il est né et a grandi, mais cela n’a pas toujours été le cas. Après l’école et le collège, il est parti pour le lycée en Angleterre, comme beaucoup de Nord-Irlandais. Il a ensuite travaillé à Londres pendant de nombreuses années. Profession ? Avocat. Pendant 21 ans. Cela fait cependant 16 ans qu’il est revenu en Irlande du Nord, où il a continué à exercer son premier métier pendant un temps.
Il a démissionné pour lancer sa maison d’édition. Quand je m’en étonne, il avoue :
– Oui, c’est un peu différent, mais je n’ai jamais vraiment aimé être avocat. C’est un bon travail, mais je ne pense pas que ce soit une façon très inspirante de vivre sa vie. Je ne pense pas qu’on apporte quelque chose à la société, que cela rende les gens meilleurs…
Il a commencé par écrire un livre pour une maison d’édition. Il avait fourni de jolies photos (une autre de ses passions 😉 ) et avait passé beaucoup de temps sur ce livre. Mais quand il a eu le produit fini entre les mains, il a été très déçu : ses photos étaient toutes petites et il ne trouvait pas ça très bien. Alors il s’est dit qu’il pouvait faire mieux que ça, et voilà comment l’aventure de l’édition a commencé !
Une maison d’édition, oui, mais pas n’importe laquelle. Knife Edge, de son nom, est spécialisée uniquement dans la réalisation et la publication de guides de randonnée. Et Andrew a décidé de dépoussiérer un peu la manière dont les guides de marche en Grande-Bretagne et en Irlande sont abordés.
– Tu vois, en Grande-Bretagne et en Irlande, les guides de randonnée sont faits quasiment de la même manière depuis les 40-50 dernières années. Ce sont des guides basés sur des textes, avec de petites photos. Et nous, on a décidé de le faire avec un design graphique moderne, des photos modernes, et on a aussi décidé de mettre les cartes dans les guides. Les vraies cartes, les cartes que tout le monde utilise pour s’orienter.
Pour Andrew, outre le fait que ces guides traditionnels soient dépassés, ce qu’il leur manque, c’est de l’enthousiasme. L’enthousiasme dans l’écriture, mais aussi dans les photos. La photographie est d’ailleurs l’aspect qu’il préfère dans la création de ses guides.
Pas surprenant qu’Andrew me dise alors que les gens les adorent ! Les itinéraires sont marqués sur les cartes et les randonneurs peuvent donc vraiment utiliser ces guides sur le terrain. C’est ce qui les différencie de la concurrence.
La première fois qu’il est allé randonner dans les Mourne Mountains près de chez lui, c’était enfant, avec l’école. L’Irlande du Nord faisant partie du Royaume-Uni, c’était donc lors d’un camp supporté par le projet publique nommé The Duke of Edinburgh Award Scheme. Mais à l’époque, cela restait occasionnel. En fait, sa passion pour la randonnée est née quelques années plus tard :
– En réalité, c’est seulement lorsque je suis allé en Nouvelle-Zélande, vers l’âge de 19 ans, que je me suis mis à randonner, y compris sur des longues distances pendant plusieurs jours, ce qu’on appelle des treks… Et voilà ! J’étais converti ! Et plus tard, quand j’habitais à Londres, à chaque fois que je revenais dans la région, j’allais randonner dans les Mourne Mountains, ou ailleurs en Irlande du Nord !
Andrew est revenu vivre dans le comté de Down en début de trentaine. Ses randonnées dans les environs sont alors devenues très fréquentes. Et quand il a publié son quatrième ouvrage, celui qui était son premier guide sur l’Irlande du Nord et exclusivement dédié à la randonnée dans les Mourne Mountains, ça s’est fait naturellement, facilement, parce qu’il connaissait les environs par cœur !
Il n’avait d’ailleurs pas réalisé à quel point ce livre serait populaire, et à quel point cela répondait à un besoin pour les marcheurs locaux.
Il est super fier de voir que des gens se mettent à randonner, et à randonner dans les « Mournes », grâce au guide qu’il a écrit.
– En tant qu’avocat qui ne faisait rien d’utile pour apporter de la valeur à la société, c’est incroyable ! Maintenant, j’ai vraiment l’impression de contribuer à la communauté ! Et j’adore ça !
La randonnée n’est pas le seul loisir d’Andrew. Il aime aussi pratiquer le V.T.T. dans les montagnes, qu’il pratique aussi parfois en famille. Mais quand il était enfant, personne ne pratiquait cette activité de montagne. Un jour, enfant, il est allé en vacances en Ecosse, une randonnée en vélo à travers les paysages écossais. Avec le recul, il se dit que ces vacances familiales de l’époque ont dû planter une graine dans son esprit, qui a germé toutes ces années, pour devenir ce que c’est devenu aujourd’hui : une passion de plein air, qui s’accorde finalement bien avec la randonnée.
– Si tu m’avais demandé il y a 20 ans, si j’allais passer ma vie à marcher et randonner, à écrire des guides de randonnée, je t’aurais ri au nez !
Quand on en vient à parler plus précisément d’Irlande du Nord, et du comté de Down, Andrew est sans appel : c’est de loin son coin préféré d’Irlande du Nord !
– Bien sûr qu’il y a la côte de la Chaussée des Géants, et c’est magnifique, c’est évident ! Mais les Mourne Mountains ! C’est encore autre chose ! Quand on demande aux gens quel est le joyau d’Irlande du Nord, pour moi, les Mourne Mountains dans le comté de Down en sont la couronne !
Il regrette que les Français et autres étrangers connaissent si peu la région, parce que pour lui, elle a tant à offrir !
Il fallait donc que je lui pose LA question. Celle qui me brûlait les lèvres.
– Ok, Andrew, est-ce que t’as un endroit préféré dans les Mourne Mountains ? Un endroit que t’aimerait partager, faire découvrir ?
– Un endroit préféré ? me répond-il avec son air taquin, Oh ! Je ne sais pas si je devrais le révéler !
Je n’ai pas eu besoin d’insister trop longuement pour qu’il me révèle non pas son endroit préféré, mais ses 2 endroits préférés ! Tous dans la partie Ouest des Mourne Mountains, des monts moins élevés mais plus tranquilles et moins accessibles. Les voici, en ordre de citation 😉 :
- Doan (593m) a longtemps été son préféré. Situé au cœur des Mournes, une vue incroyable sur tous les environs, peut-être même la meilleure. Mais c’est devenu aussi très populaire.
- Ben Crom (526 m), attire beaucoup moins de monde, et Andrew le préfère désormais avec des points de vue incroyables. Mais il est très difficile d’accès, très peu de gens y vont. On y accède seulement de deux façons : soit en marchant 5 ou 6 kilomètres dans la Silent Valley, soit en traversant des terrains vraiment pas agréables, des marécages, des marres par exemple.
Vous ne le croiserez donc pas l’été dans la partie Est des montagnes, qui est l’endroit des pics les plus hauts et les plus populaires. Trop de monde pour lui. Ou alors il choisit sa journée, y va en semaine, et se lève très tôt. Il aime la solitude et la tranquillité. La définition d’un randonneur, j’imagine 😉.
Andrew est tellement passionné par ces montagnes qu’il affectionne tant, qu’il y a même créé une nouvelle route de randonnée, d’environ 60 kilomètres, à réaliser en deux étapes avec bivouac entre les deux ! C’est une boucle au départ et à l’arrivée de Newcastle, sur la côte. Elle sera documentée dans son prochain guide à paraître fin 2020, sur les randonnées dans toute l’Irlande du Nord.
A ce moment de notre conversation, trop enthousiaste, j’ai lâché
– Ouah ! C’est clair, si je peux, je la fais !
– Hé ! Non, Non ! Tu dois la faire ! Il va falloir que tu la fasses maintenant !
Bon, et bien j’ai encore parlé trop vite… mais je me suis engagée à la faire auprès d’Andrew ! 😉
Andrew a randonné partout dans le monde, de l’Amérique du Sud aux Alpes en passant par l’Australie. Quand on lui demande ce qui fait que les montagnes du comté de Down sont si particulières, il dit qu’elles ont un caractère particulièrement addictif, et pas seulement pour ceux qui y sont nés. Quelque chose qu’il ne sait pas expliquer, même s’il pense que le « Mourne Wall », ce mur de dizaines de kilomètres de long, y est pour quelque chose.
– J’ai randonné partout tu sais, y compris dans le Lake District en Angleterre, mais il n’y a aucune chaîne de montagne qui a cette particularité, d’un mur construit à travers toutes les montagnes, que tu peux voir jusqu’à l’horizon. Ça fait partie du caractère de ces montagnes.
Pour lui, nul doute que la situation géographique de ces petites montagnes (la plus haute fait 853 m) fait aussi partie intégrante de leur particularité. En effet, comme souvent sur l’île d’Irlande, elles sont situées au bord de la mer. Les vues sont donc juste magnifiques, mais le climat y est aussi particulier. Les nuages sont très bas, comme s’ils venaient embrasser la terre.
– Tu vois, tu peux commencer au niveau de la mer, et c’est tout nuageux. Tu peux même te dire que ça ne vaut pas le coup de monter. Et pis en fait, tu te retrouves sorti des nuages assez vite, et t’es au-dessus des nuages, et ça, c’est vraiment différent !
Andrew est amoureux de sa région et adore vivre en Irlande du Nord.
– Si je devais passer rester le reste de ma vie quelque part, ce serait là… et sans doute aussi dans les Ecrins !
En effet, depuis près d’une décennie, lui et sa famille passe la plupart de leurs étés en France, dans les Alpes, dans le magnifique Massif des Ecrins. Un endroit qu’il appelle « home away from home », son chez lui loin de chez lui. Sa femme parle couramment Français, lui me dit modestement qu’il n’a pas de talent pour les langues même s’il a passé un an en France après ses études. Cependant, une fois qu’il met le pied en France, deux semaines suffisent pour que son Français lui revienne… Même s’il avoue avoir du mal à comprendre l’accent local !
– Je n’ai aucun problème à comprendre les Parisiens, ou les Bretons… mais là-bas, dans les Ecrins ! C’est super dur !
Je le crois sans peine ! 😉
La famille a clairement un penchant pour la France rurale. Andrew pense aussi que les Irlandais et les Français ont une certaine connexion, de par le passé et l’histoire des deux pays. Pas surprenant alors que le premier guide publié par sa compagnie était un guide… sur les Ecrins !
Avec Andrew, on s’est d’ailleurs trouvé un autre point commun que la randonnée : le fromage, et l’Abondance, qu’on adore tous les deux ! 😉
Deux petits êtres arrivent se joindre à la conversation : ce sont le fils et la fille d’Andrew, qui viennent timidement chercher leur Daddy. Il est temps pour moi de le laisser vaquer à ses occupations.
C’était chouette de l’écouter me parler de ses passions, et de son coin de terre nord-irlandaise qu’il connaît si bien !
Partagez si vous voulez faire découvrir les Mourne Mountains par les yeux d’un amoureux de ce magnifique coin d’Irlande du Nord ! 🙂
Tu as eu une super idée avec ces portraits Lilie.
C’est passionnant, comme à chaque fois
Article passionnant ! Ces grands espaces font rêver et on ressent l’amour d’Andrew pour sa région. Superbe.