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Prisonnière de Tory Island, l’île habitée la plus isolée d’Irlande

Prisonnière de Tory Island île habitée la plus isolée d'Irlande Donegal

Tory Island, l’île habitée la plus isolée d’Irlande, se trouve à 14 kilomètres au Nord des côtes Nord du Donegal, comté de l’extrême Nord-Ouest de l’île auquel Tory Island est administrativement rattachée.

Nous étions dans une dernière quinzaine de mois d’août et j’avais décidé de prendre quelques jours de repos estival et d’emmener ma fille passer des vacances dans le Donegal. J’avais besoin de grands espaces, de tranquilité et d’océan, loin des foules. Et en Irlande, même en août, ce genre d’endroits se trouve encore facilement. Dans ce séjour, j’avais inclus 2 nuits sur Tory Island, sur laquelle je n’étais encore jamais allée. Sur le papier, Tory Island coche tout ce que j’aime en terme de destination vacancière et, ayant un faible pour les populations insulaires installées sur des cailloux qui au premier abord semblent peu accueillants, cette petite île peuplée de 141 âmes et isolée de l’Atlantique Nord m’attirait depuis bien des années. J’étais donc comme une môme au matin de Noël lorsque j’embarquai avec ma fille pour 45 minutes de traversée mouvementée (certains diraient « flippante »).

Tory Island île habitée la plus isolée d'Irlande Océan Atlantique

Le capitaine du bateau s’en doutait probablement lorsqu’il nous a déposés, une petite dizaine de passagers, sur Tory Island ce matin-là, mais moi, je ne l’ai su que plus tard dans la soirée : aucune liaison après celle que nous avions prise ne se ferait entre l’île principale et Tory Island, dans les deux sens, à cause du mauvais temps annoncé, empêchant toute traversée. Nous étions donc prisonnières de Tory Island, pour durée indéterminée.

Bienvenue sur Tory Island, Donegal Irlande

Le lendemain, la météo sur l’île était effectivement de celles à ne pas mettre un ongle dehors. J’en profitai donc pour me poser dans le patio face à l’océan, lecture, musique… Puis griffonage de carnet.

Voici donc retranscrits ici, tels qu’ils sont sortis, ces quelques mots griffonés :

« Vacances dans le Donegal avec ma fille, dont deux nuits sur Tory Island.

Une journée pleine sur lîle que je m’étais imaginée à gambader et faire le tour de cette île de 4 kilomètres de long sur 800 mètres de large.

Il est midi et cela fait une heure trente que je suis dans mon siège-oeuf de la veranda, me balançant face à l’Océan Atlantique. Horizon bouché. Le vent souffle fort et fait taper les plaques sur le toit.

Vitres sanguinolentes du pluie.

Une île qui chiale, comme je les aime.

Hier matin, nous avons pris le dernier bateau pour l’île, les suivants ayant été annulés pour cause de mauvais temps et de grosse mer. La traversée a d’ailleurs été tumulteuse. Plus aucun bateau ne repart de l’île jusqu’à nouvel ordre, plus aucun n’accostera non plus. Nous voilà prisonnières de Tory Island. Grand kiffe.

Je m’imagine déjà revenir me faire captive volontaire en plein hiver.

Ca m’est déjà arrivée, d’être prisonnière d’une île qui chiale, en plein hiver. C’était un 2 janvier, sur Belle-Île, en Bretagne : j’étais aux anges ! Tempête de la décennie, plus de liaison maritime avec le continent. Je m’étais pourtant rendue à pied au phare des Poulains. J’étais seule sur le site, bien évidemment. Je l’avais vu comme je n’avais jamais osé le rêver. Magique.

Cette fois-ci, pour me faire prisonnière sur Tory Island, je reviendrais pour bien plus que deux nuits. Être bloquée pour cause de mauvais temps. Me débrouiller pour venir sans obligation, sans impératif de retour. Ni vol à prendre (vol Donegal – Dublin comme cette fois-ci), ni voiture de location à rendre. Des bus depuis Dublin et du stop. A étudier. A étudier aussi la problématique du logement sur cette île, en plein hiver, l’hôtel étant fermé à cette saison.

Je me demande si les habitants de l’île aiment ça, l’hiver. J’imagine que oui. Parce que vivre ici, c’est un vrai choix. Ce n’est pas simple.

Ce matin, déjà, je le perçois.

En réalité, une île de la sorte, quand il fait mauvais temps, c’est comme un cocon. On est fait prisonnier. Mais à l’abri, en sécurité. Et coupé du monde extérieur. Personne ne peut venir ici. Aucun danger extérieur ne peut traverser l’Atlantique déchaîné. Sauf l’Atlantique lui-même. Mais, au chaud et à l’abri d’une demeure, on est bien.

Le temps qui passe n’a jamais la même valeur sur ces îles. Ici, pas de 4G, pas de Wifi non plus à l’hôtel. Il faut être bien dans sa tête, à l’aise avec sa propre compagnie. Aimer se faire bercer par la simple vue de l’écume qui défile en accéléré de droite à gauche, de l’autre côté du carreau qui pleure.

J’entends de temps en temps des membres du personnel discuter derrière moi, en gaélique. Mes oreilles aiment cet exotisme. J’aime ce dépaysement d’une autre langue. D’ailleurs, au petit déjeuner, la serveuse nous a dit que, vues les circonstances (nous sommes seulement 4 résidents dans l’hôtel), la cuisine était fermée, que le personnel rentrait chez lui, et que si on voulait, pour le lunch, on pouvait avoir de la soupe, mais ce serait tout. La météo dicte la vie sur Tory Island. Si dans l’Ouest de l’île principale, on vit du tourisme 6 mois de l’année quels que soient les caprices météorologiques, ici, rien est certain et c’est bien le ciel, au jour le jour, qui décide si des touristes arrivent sur l’île ou pas. Et malheureusement, cette année, en juillet et août, l’état de la mer a fait annuler bien des traversées, bien des weekends et des évènements prévus, y compris des musiciens ne pouvant venir pour divertir les soirées dans l’unique pub de l’île.

Je repense à la cuisine du phare de Galley Head, avec sa petite table devant la fenêtre, face à l’océan. Je rêve de m’y asseoir un jour et de n’avoir rien d’autre à faire que d’y écrire, pendant des semaines. Mais aujourd’hui, c’est sur Tory Island que je suis. Sous ce gros temps, j’ai envie d’aller jusqu’au phare. Le soucis, c’est que je n’ai pas emmené suffisamment de rechanges, je ne suis pas équipée (autre aspect à anticiper pour ma future captivité hivernale). Me faire rincer pour y aller ne me pose aucun soucis. Ne pas avoir suffisamment de vêtements secs pour la suite de mon séjour donégalien est plus problématique. Et ce n’est pas sur cette île sans boutique que je vais trouver de quoi garnir ma garde-robe ! Alors, je vais rester là encore un peu, à écouter les Fugees en boucle (mon addiction musicale du moment…) et à rêvasser sous mauvais temps, en me réjouissant d’être prisonnière de Tory Island. »

Extrait de mon carnet de vadrouilles
  • Paysage et maison île de Tory, Irlande
  • Falaises Tory Island Donegal Irlande
  • Vue sur falaises, Donegal, Irlande
  • Vue sur le phare de Tory Island, Irlande

Heureusement, le temps que je finisse de griffoner sur mon carnet et le ciel avait séché ses larmes. On a pu profiter d’un long après-midi et de la belle soirée pour crapahuter et faire le tour de l’île.

Le lendemain, nous avons aussi pu profiter d’une pleine demie-journée ensoleillée pour explorer ce caillou fabuleux. Le bateau qui nous ramenait sur l’île principale était le premier à pouvoir faire la traversée retour depuis 48 heures. Et avec le voyage aller, il apporta son lot d’une trentaine de passagers. Je me sens privilégiée d’avoir pu expérimenté Tory Island de la sorte, dans son isolement, refermée sur elle-même, pendant 48 heures. Situation exceptionnelle pour moi, touriste de passage mais, je l’imagine, situation simplement routinière pour les 141 habitants de l’île.

Voilà pour cet article, un petit instantané d’un court passage sur cette petite île irlandaise. J’espère qu’il vous aura donné envie de pousser votre curiosité sur ce bout égaré d’Irlande.

Je ne sais pas si l’idée de se rendre volontairement captif de cette île est de votre goût, mais dites-le moi en commentaires ci-dessous si vous le souhaitez ! 😉

Davantage de photos et vidéos de mes vadrouilles irlandaises à retrouver sur le compte Instagram Raconte-moi l’Irlande.

Posted in Idées Voyage et week-ends en Irlande, récits, Notre vie en Irlande

6 Comments

    • Aurélie Gohaud

      Elle comme moi apprécions notre tranquilité et respectons celle de l’autre. Lecture et musique de son côté quand j’écrivais ces mots, mais ce ne fut que le temps d’une courte matinée finalement. Le reste du séjour sur Tory Island se passa en plein air ! Et oui, captivité appréciée 🙂

  1. gilbert eugenie

    J’ aime bien avoir de ces moments de solitude ou on prend le temps de penser ou de rêver, la vie va trop vite aujourd’hui c’est important de pouvoir s’ arrêter et en plus si tu as la chance d’ avoir ces lieux magiques alors ces le bonheur total.

  2. Georges Boffet

    « …à ne pas mettre un ongle dehors »

    Je ne sais pas d’où tu sors cette expression, ou si tu l’as inventée, en tout cas je la sortirai à l’occasion !

    Et que dire des « vitres sanguinolentes de pluie »? Sur le coup, j’ai vu une vitre rouge de sang !

    Une soupe, était-ce suffisant? Comment vous vous êtes nourries durant ce court séjour?

    • Aurélie Gohaud

      Merci pour ton commentaire. Les expressions sortent de ma petite tête, comme ça… Quant au lunch, pas de soupe. La météo s’étant calmée, on a passé le reste de la journée dehors à parcourir l’île à pied et pour le ravitaillement, une seule option avant de partir : passage au bureau de poste-épicerie avec ses étagères presque vides qui m’ont rappelé celles qui me nourrissaient parfois dans les coins isolés d’Amérique du Sud, avec le même genre d’alimentation… Des biscuits ! 😉

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